Ils sont venus avec des projets prêts à être financer. Muraille verte, sauvetage des bassins du Congo et du Tchad, énergies renouvelables... Les responsables africains ont fixé les axes d’une co-émergence durable pour le continent, lors d'un sommet qui avait lieu hier à Marrakech.
Voulant que le continent s’exprime « d’une seule voix », le roi du Maroc a réuni, mercredi 16 novembre, une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement africains au Palais des Congrès à Marrakech afin de se mettre d’accord sur les solutions qui pourraient sauver un continent pénalisé par les changements climatiques.
Dans ce sommet africain de l’action, les priorités ont été fixées. « Au-delà de l’enveloppe prévue à partir de 2020, par l’accord de Paris, la présidence marocaine de la COP s’intéresse à la mobilisation des financements publics, à la diversification des montages financiers, et à la facilitation de l’accès aux fonds consacrés au climat », explique le roi.
Les projets sont prêts
À entendre les présidents africains présents, la machine est déjà en branle. « Les projets prioritaires sont d’ores et déjà identifiés. Nous allons les soumettre au sommet de l’Union africaine (UA) en janvier, pour entériner leur financement », affirme le président guinéen, Alpha Condé, également coordinateur de l’Initiative pour les énergies renouvelables.
« Ce que nous attendons de nos partenaires, c’est de nous soutenir sur les projets d’énergies renouvelables pour rendre plus compétitif les coûts de production de cette source », enchaîne le président sénégalais, Macky Sall. Un autre chantier fondamental pour lui est la lutte contre la désertification et la déforestation, dont l’exemple phare est la grande muraille verte contre l’avancée du désert qui trace doucement son chemin au Sénégal pour s’étendre jusqu’à Djibouti sur 7 600 km.
Sauver le bassin du Congo
Le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguessou, a annoncé la création, à son initiative, d’un fonds bleu pour sauver le bassin du Congo, deuxième poumon de la planète après l’Amazonie. Onze pays de la zone sont touchés par la dégradation de ce bassin qui représente 220 millions d’hectares de forêts.
Projets hydro-électriques, traitement des eaux, irrigation des terres cultivables…sont parmi les projets prévus par ce fonds appelé à être « une préoccupation commune » pour tous les Africains. « Car pour sauver le lac du Tchad, il faudra d’abord stabiliser les eaux du bassin du Congo », prévient Sassou Nguessou.
En costume cravate, le président soudanais, Omar El Béchir – sous mandat d’arrêt international pour génocide car condamné par la Cour pénale internationale (CPI) en 2009 -, prononce un discours sur « la croissance soutenue » de son pays malgré « la conjoncture politique et économique difficile », avant de remercier les chefs d’État frères qui l’ont soutenu, dont Mohammed VI.
Le défi de l’adaptation
« Nous sommes le troisième pays le plus vulnérable aux changements climatiques après le Bangladesh et la Guinée Bissau », s’alarme le président de Sierra Leone, Ernest Bai Koroma, pour qui toute initiative africaine en faveur du climat doit être encouragée. Concis et clair, Paul Kagamé pense que l’accroissement de la résilience du continent doit passer par de nouveaux modèles économiques. Tandis que la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, demande des actions rapides pour aider les pays en développement à élaborer et à mettre en œuvre des plans nationaux d’adaptation.
Mahamadou Issoufou, président du Niger, a tiré la sonnette d’alarme sur le bassin du Tchad, cette plaie climatique africaine qui concentre, à elle seule, toutes les menaces qui pèsent sur le continent (migration, réduction des eaux, Boko Haram…). Représentant 8% de la superficie de l’Afrique, le lac est réparti entre 8 pays africains, dont la plupart sont les plus pauvres du monde, et abrite 375 millions d’habitants. « Il faut mettre en place des plans de développement et d’adaptation pour ce lac afin d’éviter une catastrophe écologique et humanitaire », prévient Issoufou.
La France sera exemplaire
Pressée par l’Afrique, la France, principal bailleur de fonds, s’est engagée à réaliser ses promesses de financement. « Nous serons exemplaires à ce niveau », a promis le président François Hollande.
De son côté le secrétaire d’État américain, John Kerry, dans une sortie précédant ce sommet africain, a assuré qu’il ne pouvait pas y avoir de retour en arrière sur les engagements de son pays.
« La majorité écrasante des Américains reconnaissent le changement climatique et souhaitent que leur pays honore les engagements pris à Paris », a-t-il déclaré, éludant les craintes nées suite à l’élection de Donald Trump, un climato-sceptique notoire.
Duo Mohammed VI – Idriss Déby Itno
À la fin du Sommet africain de l’action, les chefs d’État ont adopté une déclaration commune fixant leurs priorités climatiques et ont invité Mohammed VI et le président en exercice de l’Union africaine (UA), Idriss Déby Itno, à l’exécuter.
Trois commissions seront créées à cet effet : une pour la région du Sahel, présidée par le Niger, une deuxième pour la région du bassin du Congo, présidée par le Congo-Brazzaville et une troisième pour les États insulaires, sous la houlette des Seychelles.
Nadia Lamlili