Monsieur le Président, Chers collègues, Permettez-moi avant tout propos de saluer, au nom de nos compatriotes, le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Monsieur Sidiki Diakité, dont la présence en ces lieux, ce 24 mai 2018 démontre tout l’intérêt que le Gouvernement accorde à la question de l’identification en Côte d’Ivoire. Monsieur le Ministre, je tiens personnellement à saluer votre volonté de voir la démocratie s’exprimer effectivement dans l’enceinte de la Maison du Peuple. Monsieur le Président, chers collègues, la question orale de la séance de cet après-midi n’aurait pu être formulée si les sujets de la Carte nationale d’identité et de la sécurisation de l’état-civil dans notre pays ne suscitaient pas des interrogations comme celles qu’il me plaira de rappeler tout à l’heure. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de citer le jeune Lamine Traoré qui m’a autorisé à rendre public son témoignage : « Pour avoir une CNI, l’ONI nous demande un certificat de nationalité qui coute 5000 FCFA. Après il faut payer un timbre à 5000 FCFA au Trésor. Ils nous disent de faire une attestation d’identité qui coute à l’ONI 3500 FCFA et dans les commissariats à 5000 FCFA alors que sur l’attestation d’identité c’est mentionné 1000 FCFA. Mais quand tu te plains, ils te disent que ce n’est pas forcé. Mais nous sommes obligés parce que sans ce document, on ne peut pas faire de démarche administrative. » Mesdames et Messieurs, il y a quelques années, la Côte d’Ivoire a fait face à une grave crise politico-militaire qui tirait son origine première de la question de l’existence et du respect des droits civiques et politiques de ses citoyens. Le citoyen, faut-il le rappeler, est le national d’un Etat qui dispose de droits civiques et politiques. Parmi les solutions envisagées et mises en œuvre pour le retour à la normalité politique et administrative, l’octroi de jugements supplétifs d’acte de naissance et l’octroi de la carte nationale d’identité ont permis à des millions de nationaux ivoiriens de sortir de l’anonymat administrative et de prendre part, pour ceux qui le voulaient, aux différents scrutins électoraux organisés depuis octobre 2010 dans notre pays. Il semble qu’aux 6,3 millions de CNI attribuées à l’époque, se sont ajoutées très peu de cartes. En effet, au fil du temps, les solutions n’ont pas suffi à reléguer dans le passé, la question de l’identification des populations, qui ressurgit chaque année, favorisant une nouvelle problématique de la carte nationale d’identité ivoirienne et de la sécurisation de l’état-civil dans notre pays. Ce sont les deux points sur lesquels portera mon intervention. En Côte d’Ivoire, il y a chaque année, plusieurs milliers d’enfants scolarisés qui abandonnent l’école, faute d’acte de naissance. Il y a des personnes majeures qui affirment n’avoir aucun document d’état-civil. Parce que des juges, pour des soupçons légitimes de fausses déclarations, refusent d’accorder des jugements supplétifs d’acte de naissance à ces personnes majeures qui déclarent lors des audiences foraines, être nées en Côte d’Ivoire. En effet, depuis plusieurs décennies, à chacune des opérations d’audiences foraines destinées à fournir des jugements supplétifs d’acte de naissance aux personnes nées en Côte d’Ivoire et jamais déclarées à l’état-civil, de nombreux requérants majoritairement majeurs sont recalés par les juges, faute d’apporter la preuve de leur naissance en Côte d’Ivoire. En réalité, parce que bon nombre d’audiences foraines organisées depuis les années 90 dans notre pays pour octroyer des jugements supplétifs d’acte de naissance aux personnes nées en Côte d’Ivoire et jamais déclarées à l’état-civil, n’ont pu être sauvegardées, faute d’avoir été retranscrites dans des registres d’état-civil. A cela s’ajoutent d’autres cas de personnes en conflit avec l’état-civil en Côte d’Ivoire. S’inquiéter d’une possible fraude sur plusieurs documents d’identité délivrés Dans un pays où les enfants doivent obligatoirement être scolarisés, il reste incompréhensible que des dizaines de milliers d’enfants mineurs vivant en Côte d’Ivoire, soient dépourvus de tout document d’identité au moment de terminer le cycle de l’école primaire, tout simplement parce que des parents ne jugent pas nécessaire de déclarer leurs enfants à l’état-civil. Les chiffres officiels du ministère de l’éducation nationale, font état de plus d’un million d’enfants inscrits en 2018 à l’école primaire qui sont dépourvus d’acte de naissance Chers collègues, Monsieur le ministre, en 2020, la Côte d’Ivoire sera face à un autre tournant de sa vie politique et démocratique avec l’organisation des élections présidentielle et législatives conformément à la Constitution du 8 novembre 2016, auxquelles prendront part, les citoyens ivoiriens, électeurs disposant de la carte nationale d’identité. Cette perspective électorale semble faire oublier aux acteurs politiques que la Carte nationale d’identité ne saurait être un objet de chantage électoraliste. La Carte nationale d’identité est un droit pour chaque citoyen ivoirien. Exigée lors de l’accomplissement de plusieurs actes civils et administratifs (banques, écoles, voyages, état-civil, concours, etc…), la carte nationale d’identité ivoirienne est de plus en plus suppléée par un document administratif à durée de validité réduite pour des coûts exorbitants allant de 11000 à 20000 FCFA : il s’agit de l’attestation d’identité qui est délivrée depuis 2001 par l’Office national d’identification (ONI). Signalons au passage qu’aucune Loi de la République n’encadre ce document. Aucun chiffre officiel n’est connu quant au nombre exact d’attestations d’identité en circulation et encore moins le nombre d’Ivoiriens qui en possèdent. Tout citoyen peut se voir attribuer, pourvu qu’il puisse payer, une attestation d’identité. Le Gouvernement se rend-il compte d’un gros manque à gagner pour l’Etat de Côte d’Ivoire ? Sans connaître ce que rapporterait son établissement à l’Etat de Côte d’Ivoire en terme de recettes, il faut s’inquiéter d’une possible fraude sur plusieurs documents d’identité délivrés dans notre pays, et facilitée par la présentation de l’attestation d’identité comme l’ont reconnu l’ONI et le Gouvernement, lors de la polémique sur l’identité de plusieurs migrants reconnus comme citoyens ivoiriens par les autorités italiennes. Récemment la presse a bruyamment communiqué sur le démantèlement par la police d’un réseau de petits malins qui disposaient de formulaires vierges d’attestations d’identité et qui en délivraient à des requérants.