Je suis de ceux qui avaient rêvé de voir le Chef de l'Etat, M. Alassane Ouattara, et le président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), M. Henri Konan Bédié, se rencontrer à la basilique de Yamoussoukro ou sur la tombe de Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre dernier, à l'occasion de la commémoration du 25ème anniversaire de son décès, se serrer la main, se faire l'accolade, et se retirer dans une pièce pour en ressortir en se tenant par la main, en souriant. Oui, j'ai fait ce rêve en même temps que de nombreux Ivoiriens qui ne supportent pas de savoir que les deux grands hommes de la politique ivoirienne sont en froid. Malheureusement, un malaise, nous a-t-on dit, a empêché le président Bédié de se rendre à Yamoussoukro. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement et prions pour que le Dieu qu'il adore et l'esprit de Félix Houphouët-Boigny lui donnent la force de pouvoir aller vers son cadet qu'est le président Ouattara, ou de l'appeler auprès de lui en sa qualité d'ainé, afin qu'ils se parlent franchement pour que ce qui les divise ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Le 7 août dernier, le président Bédié a pu néanmoins rendre hommage au président Félix Houphouët-Boigny à travers une vidéo dans laquelle il a affirmé que ce dernier fut le plus grand des présidents de notre pays, un apôtre de la paix, que ses vrais disciples se trouvent au PDCI-RDA et que ceux qui militent dans d'autres partis politiques en prétendant être du PDCI ne sont pas ses vrais héritiers. Il a ajouté par ailleurs que lui, est son héritier politique (l'unique ?) et qu'il se bat pour que son parti demeure éternel. Le Chef de l'Etat a pour sa part salué « l'ouvre gigantesque de Félix Houphouët-Boigny à la tête de notre pays qu'il a dirigé dans la fraternité et l'ouverture », avant de nous inviter à suivre les idéaux de tolérance, de dialogue et de paix du père de la nation. Tolérance, dialogue, paix. Trois mots qui caractérisent la politique et la philosophie de Félix Houphouët-Boigny. Trois mots que le président du PDCI-RDA et le Chef de l'Etat ont utilisés dans leur hommage à leur mentor commun, et que nous aimerions tant voir en action en ce moment. Parce que ce que nous voyons en ce moment est l'intolérance, le refus du dialogue et nous savons tous que cela est de nature à compromettre la paix que connaît notre pays et nous conduire à la guerre. En affirmant cela, nous ne faisons pas qu'énoncer une simple théorie ou émettre une simple hypothèse, mais nous parlons bien de quelque chose que nous avons déjà expérimenté. Oui, il y a vingt ans, avec les mêmes acteurs, nous avions refusé de nous parler, nous avions pratiqué l'intolérance et cela nous a conduit d'abord à un coup d'Etat, puis, à une rébellion qui a occupé la moitié du pays pendant huit ans avec ce que tout cela nous a coûté en vies humaines et en pertes économiques, puis l'apothéose fut une vraie guerre entre nous, avec des acteurs étrangers. Il a été dénombré au finish plus de trois mille morts, nous nous sommes retrouvés avec un pays divisé, une économie en lambeaux, et notre ancien président dans une prison en Hollande. Ce dernier disait que le chien qui avait vu le lion ne courait plus de la même façon que celui qui ne l'avait jamais vu. Nous avons rencontré le lion, il nous a même griffés. Nous ne pouvons plus courir de la même façon qu'avant cette rencontre. Les présidents Bédié et Ouattara, les principaux protagonistes de la crise qui nous a conduits à la guerre ne peuvent pas à nouveau adopter des attitudes qui sont de nature à nous y replonger. Qui fuit le dialogue ? Qui est devenu intolérant ? Qui chasse ceux de son camp qui parlent de dialoguer, de tendre la main, de tout faire pour préserver la paix ? Bien sûr les partisans de chacun pointeront le doigt sur l'autre. Mais gardons en mémoire cette phrase de feu Zadi Zaourou : « lorsque vous pointez un doigt accusateur sur l'autre, n'oubliez pas que trois de vos propres doigts sont dirigés vers vous. » D'un côté comme de l'autre il y a toujours des faucons et des extrémistes inconscients pour souffler sur les braises. La population, elle qui le plus souvent ne comprend rien aux vrais enjeux des crises mais en paie néanmoins toujours le prix le plus fort regarde, entend, lit et voit les déclarations et comportements des uns et des autres. Il serait temps que cette population se lève et dise « ça suffit maintenant ! Nous ne voulons plus revivre ce que nous avons déjà connu, nous voulons que nos enfants grandissent dans un pays en paix. Comme au temps d'Houphouët-Boigny. Et il est temps que vous passiez le relais à une autre génération. » Apparemment c'est la dernière phrase que quelqu'un ne veut pas entendre et il semble que ce soit ce qui a amené la palabre. Venance Konan