Dans l'interview qu'il a accordée à la chaîne française France 24, le président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) a déclaré vouloir prendre la tête d'une plateforme comprenant « tous les partis politiques qui partagent les valeurs de la non-violence, de la tolérance et de l'État de droit».
Cette plateforme devrait comprendre le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le clan de Guillaume Soro. En clair, ceux qui ne s'entendent pas avec Alassane Ouattara, en ce moment ou depuis longtemps. À propos de Guillaume Soro, il s'est rendu hier à Daoukro et on l'a vu esquisser quelques pas de danse, en compagnie du président Bédié; ce qui est plutôt rare. Que ne ferait-on pas pour l'ennemi de son ennemi.
Donc, pour nous résumer. Le président du Pdci-Rda a quitté l'alliance avec Alassane Ouattara, parce que, semble-t-il, en tout cas, si l'on lit bien entre les lignes de son interview, ce dernier n'aurait pas vu d'un bon oil l'envie du président Bédié de vouloir revenir au pouvoir. On se souvient que le Président de la République l'a, à deux reprises, invité à se joindre à lui pour transmettre le pouvoir à une autre génération. Le président Bédié compte donc maintenant sur la nouvelle alliance avec le FPI et Guillaume Soro pour le porter à nouveau au pouvoir. D'où l'appel à la libération de Laurent Gbagbo, pour lequel sept ans de punition seraient amplement suffisants selon Bédié, et les pas de danse pour Soro. Il n'y a pas longtemps, on se félicitait de l'arrestation et de l'éloignement du même Laurent Gbagbo. Autre temps, autre appréciation. De Laurent Gbagbo, l'on attend évidemment les voix de ses militants, ces voix qui ont fait saliver tant d'opposants au président Ouattara. On se souvient qu'en 2015, tout bon adversaire de Ouattara se devait d'aller saluer le célèbre prisonnier de La Haye et clamer haut et fort qu'il est son frère. On disait qu'il possédait environ 40% des voix de l'électorat ivoirien et que celui à qui il les donnait ne pouvait que gagner l'élection. Après la présidentielle de 2015, on n'a plus vu grand monde à La Haye, sauf ces derniers temps où l'on prépare l'élection de 2020. Laurent Gbagbo est donc redevenu très précieux. Qui ne le serait pas, s'il est crédité de détenir environ 40% d'un électorat? On a donc oublié tout ce que l'on lui reprochait, et il est devenu un apôtre de la non-violence, de la tolérance et de l'Etat de droit. Oui, Laurent Gbagbo! Et c'est Bédié qui le dit ! Blé Goudé avait bien dit, en son temps et lors de son procès, qu'il était en quelque sorte la réincarnation de Gandhi. Et vous ne vouliez pas le croire. Aujourd'hui, tout le Pdci-Rda est prêt à témoigner, la main sur le cour, qu'il n'y avait pas plus gentil, plus pacifiste, plus gentil, plus charmant et mieux éduqué que Blé Goudé. C'est comme cela. Il a lui aussi sa part dans les 40% de voix attribuées à Gbagbo. De Guillaume Soro, l'on attend surtout qu'il divise le Rassemblement des républicains (Rdr) ou Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), et qu'il vienne à la plateforme avec beaucoup de monde. Comme cela, Pdci plus Fpi plus les gens de Soro sera égal à victoire. Cela vaut bien une déclaration d'amour à Laurent Gbagbo et des pas de danse à Guillaume Soro. Et Soro, qu'est-il allé chercher à Daoukro? Peut-être de la protection. Bédié n'avait-il pas dit qu'il était son protégé? Et ne dit-on pas que les relations entre lui et le Bravetchè sont plutôt exécrables? Ou peut-être est-il allé, lui aussi, chercher des voix, puisque l'on dit qu'il vise aussi le fauteuil présidentiel. En tout cas, il y a des gens qui lui ont demandé de se présenter, et peut-être qu'il y pense, et pas seulement en se rasant le matin. Et cela vaut bien un voyage à Daoukro et une déclaration d'amour à Laurent Gbagbo et Blé Goudé, l'ancien camarade de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), dont il a dit souhaiter la libération. Donc, si Soro est lui aussi candidat, cela fera deux candidats sur la même plateforme. Cela ne faitil pas trop? Et de Gbagbo qu'attend-on? Je l'ai déjà dit : qu'il donne ses voix pardi! On dit donc que l'on souhaite sa libération. Et si les juges le libéraient vraiment? Ceux qui seront fâchés ne seront pas forcément ceux à qui l'on pense. Parce que, si j'en crois le journaliste français qui vient de publier un livre d'entretien avec lui, Laurent Gbagbo se verrait bien candidat à la présidentielle de 2020. Cela ferait donc trois sur la même plateforme. Kabako! Comme dirait mon parent d'Odienné. Qui s'effacerait au profit de qui? Eh bien, dans la prochaine chronique nous essaierons de voir ce qui se passerait si Gbagbo était vraiment libéré et revenait en Côte d'Ivoire. Ça risquerait d'être comme "furoncle sur tibia de margouillat'', comme l'on dit dans mon quartier. Venance Konan