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Le long chemin de la Côte d’Ivoire vers l’autosuffisance en riz


Annoncée pour 2016, puis pour 2020, c’est finalement en 2025 que la Côte d’Ivoire vise d’atteindre l’autosuffisance en riz. C’est du moins ce qu’a annoncé Gaoussou Touré, le nouveau ministre de la promotion de la riziculture, dès sa prise de fonction en septembre. Mais l’échéance risque, cette fois encore, d’être difficile à tenir.


« Nous étions autosuffisants en 1976, nous pouvons le redevenir. Mais, pour l’instant, c’est compliqué », concède Yacouba Dembele, le directeur général de l’Agence pour le développement de la filière riz (Aderiz). Un coup d’œil aux derniers chiffres publiés par son organisme donne la mesure des efforts que le pays va devoir fournir pour recouvrer sa sécurité alimentaire.


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Après avoir doublé entre 2007 et 2015, la production de riz blanchi – le riz transformé mondialement consommé – stagne depuis quatre ans autour de 1,3 million de tonnes par an. La filière, qui compte quelque 800 000 riziculteurs, est confrontée à de nombreux défis. Au premier plan, celui d’une pénurie de financement qui décourage les producteurs d’investir dans les semences, les engrais ou les pesticides, au détriment des rendements. Cette culture est majoritairement vivrière et familiale. Les parcelles sont petites, les récoltes très dépendantes de la pluviométrie et les pertes énormes.


Le ralentissement de la production intervient alors même que la consommation augmente chaque année de 7 %, et se situe désormais autour de 1,8 million de tonnes par an. L’accroissement de la population, l’évolution des régimes alimentaires et l’urbanisation font gonfler les besoins. « Nous courons derrière un lièvre bien plus rapide que nous », résume Yacouba Dembele.


Un enjeu éminemment politique

Le riz local subit aussi la compétition du riz importé, alors que « les prix (…) sur le marché international ont connu une baisse tendancielle depuis 2013 », rappelait le cabinet de consultant Bearing Point dans une étude de cas publiée en juillet. La Côte d’Ivoire a ainsi importé en 2018 près de 1,5 million de tonnes de riz blanchi en provenance d’Asie du Sud-Est. Bien plus que nécessaire pour couvrir les besoins locaux. Les explications diffèrent quant au sort réservé à cet excédent de riz importé. « Nous réexportons énormément dans la sous-région. C’est pour ça que nos voisins sont fâchés car eux aussi visent l’autosuffisance », explique Yacouba Dembele.


Plus nuancé, Patricio Mendez del Villar, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), affirme que « seule une petite partie de ce riz importé est réexportée dans la sous-région ». Avant d’ajouter : « Les chiffres des importations sont fiables, mais les chiffres de la production sont des projections faites à partir d’estimations de surface rizicole, c’est plus hasardeux. »


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Si les statistiques font autant l’objet de discussions, c’est que le riz est un enjeu éminemment politique en Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire importe pour 450 millions d’euros de riz chaque année, et figure ainsi à la cinquième place mondiale des pays importateurs de cette denrée et à la deuxième place à l’échelle continentale. La première est occupée par le Nigeria. Le géant d’Afrique de l’Ouest, après avoir imposé une taxe à hauteur de 110 % sur le riz étranger, a désormais fermé certaines de ses frontières pour favoriser la production locale.


Si la Côte d’Ivoire ne semble pas vouloir emprunter la même voie, des mesures protectionnistes pourraient néanmoins être envisagées à moyen terme. « Il ne s’agirait pas d’imposer des mesures, mais plutôt de restaurer celles d’avant la crise alimentaire de 2008 », confie un opérateur rizicole. A l’époque, la flambée des cours mondiaux de riz (+ 300 %) avait occasionné des troubles sociaux. Dans l’urgence, toute la réglementation protectionniste avait été levée pour faciliter les importations. Depuis, l’achat de riz étranger s’est pérennisé, au détriment de la filière locale.


Un système qui peine à faire ses preuves

Pour retrouver sa souveraineté sur la production de cette denrée stratégique, le gouvernement ivoirien mise désormais sur l’industrialisation de la filière et l’engagement du secteur privé. Avec l’aide de partenaires étrangers – l’Inde au premier chef –, le pays a ainsi renforcé le parc industriel existant avec 30 usines et 100 mini-usines. Les concessions de ces fabriques ont ensuite été attribuées à des opérateurs privés, des transformateurs qui travaillent avec les petits producteurs en amont, et les distributeurs en aval. Le circuit repose sur la contractualisation, un modèle où chaque acteur s’engage envers l’autre, sans présence directe de l’Etat.


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Lancé en 2018, ce nouveau système peine à faire ses preuves. « Toutes les usines ne sont pas opérationnelles, et celles qui le sont ne travaillent pas en flux tendu », glisse un opérateur rizicole étranger, actif en Côte d’Ivoire. Pour le chercheur Patricio Mendez del Villar, la réussite de ce nouveau modèle repose sur la « confiance des uns envers les autres ». Or, le petit producteur ne voit pas toujours d’un bon œil l’arrivée d’acteurs urbains nationaux ou étrangers qui lui dictent la manière de produire du riz. « La plupart des petits producteurs sont d’abord dans de l’agriculture de subsistance, et ça n’est pas facile de se transformer en opérateur agricole du jour au lendemain », ajoute le chercheur.


Face aux sceptiques et à ceux qui s’inquiètent des risques d’insécurité alimentaire, le directeur général de l’Aderiz réclame de la patience. Il cite volontiers des études qui montrent « l’amour des Ivoiriens pour le riz ivoirien ». Avant de conclure, confiant : « En Côte d’Ivoire, nous consommons du riz trois fois par jour. On ne va pas avoir d’autres choix que d’en produire plus et d’en importer moins. »

lemonde.fr

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