FAIRE PLACE NETTE. Les choses n’ont pas traîné. Une semaine après l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), rendu le 22 avril 2020, la Côte d’Ivoire prend la lourde décision de claquer, le 29 avril, la porte de la justice africaine. Trop c’est trop, s’est dit Alassane Ouattara qui a maille à partir avec cette Cour présidée par l’Ivoirien Oré Sylvain. Déjà le 16 novembre 2016, sur saisine de l’Ong APDH, cette juridiction africaine a dénoncé le format de la Commission électorale supposée indépendante que dirigeait Youssouf Bakayoko et exigé sa réforme en profondeur. Le pays ne s’est pas exécuté mais cet arrêt est resté en travers de sa gorge. Et alors que la Cour reste saisie du format encore controversé de la nouvelle CEI que conduit Coulibaly-Kuibiert Ibrahime, son autre décision est venue mettre le feu aux poudres. En effet, le 22 avril, elle a ordonné aux autorités ivoiriennes, sous trente jours, de lever le mandat d’arrêt international lancé contre Soro Guillaume, le 23 décembre 2019, et le mandat de dépôt émis contre une vingtaine de ses partisans pour notamment « détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux et atteinte à l’autorité de l’État à et l’intégrité nationale ». Le sang des autorités n’a fait qu’un seul tour face à ce que le pouvoir ivoirien considère comme une provocation. « Les procédures judiciaires engagées restent en cours », a répondu, le 23 avril, le ministre Sidi Tiémoko Touré, porte-parole du Gouvernement. Et aussitôt, le jugement de l’ancien président de l’Assemblée nationale a été programmée. Soro a été jugé le mardi 28 avril, reconnu coupable de recel de détournement de deniers publics et condamné, par contumace, à 20 ans de prison et 7 ans de privation des droits civiques et politiques. Il rejoint dans le groupe des 20 ans de prison, les exclus de la présidentielle du 31 octobre 2020: Laurent Gbagbo et son épouse Simone, Charles Blé Goudé, Noël Akossi Bendjo et Hubert Oulaye entre autres. L’objectif politique paraît clair: déblayer le chemin pour espérer la victoire sans bavure du poulain. Car, au moment où Ouattara ne reconnaît plus la compétence de la Cour africaine, il est actif à la Cour pénale internationale (CPI). Il est dans ses petits souliers sur le dossier de Gbagbo et Blé Goudé qu’il a déféré devant cette juridiction internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ces derniers, reconnus non coupables, le 15 janvier 2019, des faits à eux reprochés mais retenus en liberté conditionnelle, sont interdits de fouler le sol ivoirien. Et Ouattara manœuvre pour ne pas qu’ils recouvrent leur liberté pleine et entière. Le chef de l’État veut faire place nette pour assurer la pérennité au pouvoir du RHDP et ne veut ni rencontrer d’obstacles sur son chemin ni entendre un son discordant. Signalons que la Côte d’Ivoire a ratifié le Statut de Rome, le 15 février 2013, pour juger l’ancien président de la République et ses partisans à l’exclusion des pro-Ouattara et reconnu la compétence de la Cour africaine le 9 juin de la même année. F. M. Bally Photo: Alassane Ouattara a reçu en audience, en avril 2017, Oré Sylvain, juge-président de la Cour.
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