Mais d'abord, c’est quoi un enfant bien élevé ? Est ce l'enfant modèle à qui on ne doit pas répéter 10 fois par jour « Dis bonjour à la Dame » ou « Merci qui » ? Peut-on réduire l’éducation à la politesse ? Si c’était le cas, les parents ne se poseraient pas autant de questions ! Alors, entre la crainte d’être trop sévères, comme nos grands-parents, et la peur d’être trop laxistes, comme nos parents, quels sont les nouveaux principes éducatifs que peuvent inventer les parents d’aujourd’hui ?
Par : Tout est dit
Quand aimer rime avec éduquer
En matière d’éducation, on se réfère souvent à celle que nous ont donnée nos propres parents, qu’on soit pour ou contre. Or le monde d’aujourd’hui n’est pas le même qu’il y a 30 ans. Chômage, insécurité, conflits…Dans notre société incertaine, la famille est de plus en plus une valeur-refuge, « la chose la plus importante dans leur vie quotidienne » pour 82% des français (sondage IFOP-mai 1999). Dans ce contexte, on comprend que les parents aient envie d’appuyer sur « pause » le soir venu, et de ne pas vivre avec leurs enfants des conflits aussi épuisants que stressants.
Et puis, même s’ils ont un talent certain pour nous pousser à bout, on les aime, ces petits, on les aime plus que tout ! On se marie de moins en moins souvent pour la vie – les statistiques de divorce le prouvent – tandis qu’avec nos enfants, au moins, on est sûr que c’est du solide. Les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses aujourd'hui ! N’est-il pas normal alors de vouloir toujours leur offrir le meilleur à nos p’tits amours ? Les tentations ne manquent pas dans notre société de consommation : il y a la pub qui nous démontre que le bonheur c’est d’acheter… et les petits copains de la récré qui démontrent à nos bambins que le bonheur, c’est le jeu vidéo dernier cri, les bonbons « vus à la TV » ou les baskets siglées !e
A l’école de la frustration
Alors qu’est-ce qu’on fait de l’éducation quand on est un parent d’aujourd’hui, empêtré dans l’équation « j’aime mes enfants = je leur donne tout » ?
Peut-être déjà faut-il se sortir de la tête cette idée selon laquelle nous aimons nos enfants en répondant à tous leurs désirs. La spécificité de l’amour parental, souligne la psychanalyste Claude Halmos, c’est que nous aimons nos enfants pour qu’ils nous quittent. Notre devoir de parent, c’est d’apprendre à nos enfants à vivre dans la société. Bref, les initier à la loi humaine qui permet cette vie en société !
Cet enfant-roi à qui on passe tout et à qui on donne tout, ce ne sera pas « fastoche » pour lui d’obéir à la maîtresse ou de se faire des petits copains… Parce que le petit copain, lui, il n’a pas du tout envie d’offrir son jeu vidéo à votre bambin ! Et plus largement, ce ne sera pas très facile pour un enfant élevé comme ça d’être heureux. Françoise Dolto, elle-même, mettait les parents en garde sur les risques de cette éducation. Oui, l’enfant est une personne à respecter ! Voilà la leçon qu’on retient toujours de la pédo-psychiatre la plus célèbre de France, mais ne cédons pas pour autant à tous ses caprices car « si le désir est toujours satisfait, c’est la mort du désir. »
En résumé, si un enfant a tout, il n’a plus besoin de rien, plus d’envie du tout, et il ne pourra pas construire sa propre vie. Savoir qu’éduquer son enfant, c’est aussi lui apprendre la frustration, ça change tout pour ne pas céder à la traditionnelle crise dite de « la caisse du supermarché », face au présentoir de bonbons !
Et ça soulage de notre éternelle culpabilité d’être de mauvais parents !
L’éducation en 2 leçons
Maintenant qu’on maîtrise à peu près la théorie de l’éducation, comment fait-on en pratique et au quotidien pour éduquer notre enfant ?
Dans le détail, et on le vérifie facilement en lançant la discussion entre amis, chacun a son idée sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire en terme d’éducation. Mais on peut à peu près s’accorder sur deux éléments incontournables : les règles et les punitions.
Quand on joue, avant de commencer, on explique les règles. Eh bien, dans la vie de notre enfant, c’est pareil ! Il y a les grands interdits, les fondamentaux, le respect des autres par exemple. Bien sûr, on les adapte selon l’âge de l’enfant, mais il est important de les poser très tôt : Bébé n’a pas le droit de mordre, comme l’ado n’aura pas le droit plus tard de tout casser.
Ces règles-là sont universelles, même les adultes doivent les accepter sous peine d’être punis, ce qui les rend plus faciles à accepter pour un enfant.
Et puis, il y a les règles de la famille, parfois plus difficile à faire respecter. Le Dr Frédéric Kochman conseille dans ce cas de faire une réunion familiale, au cours de laquelle on rédige un véritable « contrat familial » comportant 5 à 7 règles essentielles, affichées à la vue de tous, par exemple sur le réfrigérateur.
Les punitions sont le pendant indispensable des règles. Si l’enfant enfreint les règles, à quoi s’expose-t-il ? A des menaces, dans un premier temps. Le fameux « je compte jusqu’à trois » ou le non moins fameux « privé de dessert si tu continues ». Mais si nos paroles ne débouchent jamais sur des actes, comment notre enfant peut-il nous croire ? La menace est une forme de promesse, elle engage notre crédibilité de parents aux yeux de l’enfant.
Sur la forme que doit prendre la punition, les avis divergent… On peut néanmoins avancer, comme le Dr Kochman, que l’isolement au coin semble plus adapté que dans la chambre, qui doit rester un lieu agréable (l’enfant y dort) : « Une recette éducative consiste à mettre l’enfant au coin pendant un nombre de minutes égal à son âge (4 minutes à 4 ans) ». On attendra dans ce cas que l’enfant se soit calmé pour commencer le décompte, pour qu’il apprenne à gérer ses émotions.
Mais le Dr Kochman souligne également l’importance éducative du « temps magique », un moment privilégié, sans remontrances, où l’adulte accorde toute son attention à son enfant. Ceci permet de sortir de l’engrenage habituel : en général, on « s’occupe » d’un enfant quand il fait des bêtises, pas quand il est sage, donc l’enfant désobéit pour se faire remarquer… Alors remarquons aussi ses efforts positifs, la punition n’est pas l’unique solution !
Des parents bien éduqués font des enfants bien éduqués.
Lorsqu’elle aborde le thème de l’éducation dans son guide-référence, Laurence Pernoud intitule très justement ce chapitre : « l’éducation silencieuse ». Comprenez que les faits comptent autant que les mots auprès de nos enfants. Si on grille un feu rouge au volant, on n’est pas très crédible ensuite lorsqu’on exige que notre enfant attende le petit bonhomme vert avant de traverser ! Un des grands principes de l’éducation, c’est donc « fais ce que je dis et fais ce que je fais ».
Mais pour éduquer un enfant, on n’est pas seul, on est deux. On ne le répétera jamais assez, les parents doivent rester unis sur le front de l’éducation. Règle de base : on ne désavoue jamais l’autre parent devant l’enfant. Au pire, on discute après, si l’on n’est pas d’accord, au mieux, on s’entend avant sur ce qu’on veut inculquer à notre progéniture. Chose qui n’est pas toujours facile à faire, car il faut réussir à accorder deux éducations – celles que nous ont transmises nos parents – qui ne sont pas forcément identiques…
Et dans le cas d’une séparation, le dialogue entre les 2 parents n’en est que plus primordial. Même si sa vie quotidienne est rythmée par l’alternance, il est capital que l’enfant garde des repères fixes et sente que ses parents lui parlent d’une même voix.