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Abdelmalek Alaoui

Corruption et sous-développement L'Afrique à l'épreuve de la « bien-pensance »


Au cours des dix dernières années, des best-sellers tels que « Dead Aid » ou « Why Nations Fail » ont contribué à populariser auprès du grand public l'idée selon laquelle l'aide internationale en direction de l'Afrique n'aura finalement servi qu'à la préservation de systèmes Kleptocratiques . Infos article et titre-chapeau L'objectif de ces derniers serait la préservation de positions de rente et l'enrichissement de classes dirigeantes qui travaillent sans relâche à leur reproduction. Donnée sans contrepartie véritable, l'aide internationale aurait donc contribué à maintenir le status-quo en Afrique au lieu de favoriser le développement du continent. Certains vont pousser le raisonnement même plus loin en incluant dans les facteurs d'immobilisme africain un système organisé et globalisé de pillage des matières premières, à l'instar du grand reporter Tom Burgis, qui estime dans son livre « The Looting Machine » [1], que « La machine à piller s'est modernisé. Là où autrefois des traités étaient signés revolver au poing pour déposséder les africains de leurs terres, or, et diamants, des phalanges d'avocats représentants des sociétés pétrolières et minières aux revenus se situant dans les centaines de milliards de dollars imposent des conditions iniques aux gouvernements africains et utilisent des artifices fiscaux pour soutirer des profits à ces derniers ». Si cette analyse est nécessaire, elle comporte aussi des zones de danger En introduisant la notion de co-responsabilité dans la dynamique de prédation des ressources en Afrique -en la faisant partager entre gouvernements corrompus et multinationales avides- elle contribue aussi à alimenter un discours de dé-responsabilisation des dirigeants du continent, qui, une fois sous tension, n'hésitent pas à pointer du doigt ces grandes entreprises mondiales comme responsables des difficultés économiques que traversent leurs pays. Cette tendance est particulièrement observable lors des phases de baisse des cours des matières premières.

En effet, la co-responsabilité du reste du monde dans les difficultés économiques traversées par l'Afrique ne saurait s'arrêter à la simple notion de recherche du profit à tout prix par des multinationales, mais doit intégrer d'autres facteurs bien plus importants, car impactant les temps longs. Parmi eux, je citerais en premier lieu les « subventions » accordées par les pays du nord en matière de fuite des cerveaux et hauts potentiels africains, particulièrement dans des secteurs aussi vitaux que la santé. Une « aide Internationale inversée » partant de l'Afrique ? Pour certains analystes, ce mouvement serait tellement massif que l'on pourrait parler de mouvement d' « aide internationale inversée » qui irait des pays d'Afrique vers les pays développés. Dans son analyse sur l'exploration de la fuite des cerveaux en Afrique, le chercheur Lori Hartmann Mahmud[2] cite à cet égard une étude de Connell et Al (2007), qui stipule que du fait de la « relocalisation des médecins ghanéen en Grande-Bretagne, le Ghana a perdu 35 millions de livres sterling là où l'Angleterre en a économisé 65 millions depuis 1997 ».

Il est toutefois beaucoup plus complexe de procéder à une évaluation globale du coût de cette fuite des cerveaux pour l'Afrique du fait de la rareté des statistiques et du peu de goût des pays du nord pour soutenir ce type de recherche qui pointe du doigt des sujets qui font mal. Tout comme il est difficile de trouver de la recherche sur des politiques publiques efficaces qui pourraient contribuer à entraver cette hémorragie de talents qui constitue une entrave technique substantielle pour le développement de l'Afrique. Sujet souvent relégué au second plan au bénéfice de l'examen de la « bonne » et « mauvaise » gouvernance, la fuite des talents médicaux africains vers les pays industrialisés n'arrive tout simplement pas à trouver un espace médiatique suffisant pour exister ni à générer une recherche économique ou sociologique de qualité, faute de financements. Tout juste ce sujet arrive-t-il à se frayer un frêle chemin dans les débats d'experts et colloques universitaires, sans parvenir à trouver écho au sein de la table des puissants et des décisionnaires.

Distorsion globale dans les sujets de recherche sur l'Afrique Dans le cas d'espèce, cette distorsion dans le choix des sujets examinés par la recherche mondiale lorsqu'il s'agit d'Afrique peut être considérée comme l'un des facteurs essentiels contribuant à l'illisibilité du débat économique autour du continent. Dépourvus d'incitations à l'action pour examiner les effets pervers de leurs politiques, les pays du nord se bornent à exercer une forme de culpabilisation constante sur les africains en ressassant toujours les mêmes thématiques et les mêmes images de dirigeants africains dont la seule préoccupation serait leur enrichissement personnel et celui de leur clan.

D'une certaine manière, cette focalisation sur les dirigeants empêche l'éclosion d'un débat plus global sur la question de la gestion des richesses africaines et de l'accaparation des ressources. Pointer du doigt les véhicules couteux et les dépenses somptuaires des dirigeants africains et leurs entourages est certes nécessaire, mais cela doit être mis en regard avec les bénéfices déclarés par certaines grandes entreprises de matières premières, dont l'activité principale se situe sur le continent, et qui sont souvent associées avec des personnalités politiques.

Comme le résume avec talent le chercheur René Onowa[3] « Si les révélations concernant les fortunes amassées à l'extérieur ont choqué les africains au même titre que le trafic de diamants, l'affaire « Carrefour du développement » où fut condamné un ancien ministre français de la coopération où l'affaire Elf Aquitaine illustrent le caractère transnational de la corruption ». [1] « The Looting Machine : Warlords, Oligarchs, Corporations, Smugglers, and the theft of Africa's Wealth » , Tom Burgis, Publicaffairs editions, 2015 [2] In « L'intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale », sous la direction de Arnaud Bourgain, Jean Brot, et Hubert Girardin, Editions Karthala, Paris, 2014.[3] In « L'Afrique des idées reçues », sous la direction de George Courade, « La corruption est une affaire africaine, impliquant l'Etat et les responsables public


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