Les Zimbabwéens se sont de nouveau réveillés jeudi face à un avenir incertain, alors que leur président Robert Mugabe était toujours placé en résidence surveillée par l'armée. Beaucoup imaginent désormais qu'il pourrait ne pas revenir au pouvoir après ce coup de force de l'armée.
Toujours sonnés par les événements, de nombreux Zimbabwéens semblent prêts à tourner la page Mugabe et espèrent désormais que l’intervention de l’armée contre le président mettra un terme aux 37 années de pouvoir du héros de l’indépendance.
Selon des sources politiques et proches des services de renseignement à Reuters, Robert Mugabe estime qu’il ne peut être démis de ses fonctions que par un vote de la direction de la Zanu-PF, le parti au pouvoir. De mêmes sources, un prêtre catholique jouerait actuellement les médiateurs pour organiser la mise à l’écart du président.
« Nous sommes contents de ce qui se passe », exulte Keresenzia Moyo. « On a besoin de changement dans ce pays, notre situation est pathétique, notre économie en plein marasme », a poursuivi cet habitant d’Harare, interrogé au surlendemain du coup de force de l’armée, qui ne semble pas avoir fait de victime.
Situation calme à Harare
Malgré les barrages déployés par l’armée, la capitale a fonctionné normalement mercredi. Dans les rues, de nombreux Zimbabwéens ont confié leur surprise face aux événements. « Nous ne savons pas tout ce que cela signifie et nous ne savons pas quoi faire », a confié Karen Mvelani, un étudiant de 21 ans. Mercredi en fin de journée, la plus grande confusion continuait à régner sur l’identité de ceux qui ont pris le contrôle du pays et sur la nature du coup de force de l’armée.
Par la voix de son président, le Guinéen Alpha Condé, l’Union africaine a dénoncé « ce qui apparaît comme un coup d’Etat ». Elle a exigé « immédiatement le rétablissement de l’ordre constitutionnel ». Fidèle soutien de Robert Mugabe, Jacob Zuma s’est pour sa part dit « très préoccupé » par la situation. L’organisation régionale d’Afrique australe (SADC) a de son côté annoncé qu’elle tiendrait jeudi une réunion d’urgence au Botswana.
« L’armée va probablement négocier une transition »
« Les militaires essaient difficilement de faire croire que ce qui se passe n’est pas un coup d’État pour ne pas subir les foudres de la SADC et de l’UA », avance l’analyste Derek Matyszak, de l’Institut pour les études de sécurité de Pretoria. Les militaires pourraient également accélérer le processus de transition du pouvoir. « L’armée va probablement négocier une transition au profit du vice-président évincé », estime ainsi l’analyste Theophilus Acheampong, du centre d’études IHS.
Le coup de force de l’armée est en effet survenu en pleine querelle autour de la succession du chef de l’État, 93 ans, et quelques jours après le limogeage du vice-président Emmerson Mnangagwa. Présenté comme le dauphin de Robert Mugabe, ce dernier avait été démis de ses fonctions le 6 novembre, après un bras de fer avec sa grande rivale dans la course à la succession : la première dame, Grace Mugabe, 52 ans.
Soldats déployés dans la capitale
C’était compter sans les liens étroits que Emmerson Mnangagwa entretient avec de hauts gradés militaires. Mardi, le chef de l’armée zimbabwéenne est ainsi sorti de sa traditionnelle réserve pour exiger que « la purge actuelle » cesse « immédiatement ». « Nous devons rappeler à ceux derrière ces dangereuses manigances que lorsqu’il s’agit de protéger notre révolution, l’armée n’hésitera pas à intervenir », avait martelé le général Constantino Chiwenga.
Mardi soir, des militaires étaient passés à l’action, prenant le contrôle de plusieurs points névralgiques de la capitale. Des soldats et des blindés encerclent depuis le parlement, le siège de la Zanu-PF, ainsi que la Cour suprême.
Quel sort pour Mugabe ?
« Nous ne faisons que viser les criminels qui entourent » le chef de l’État, a déclaré le général Sibusiyo Moyo dans la nuit de mardi à mercredi à la télévision nationale. « Dès que notre mission sera accomplie, nous nous attendons à ce que la situation retourne à la normale ». « Nous assurons à la nation que Son Excellence le président (…) et sa famille sont sains et saufs et que leur sécurité est garantie », a-t-il ajouté.
Mais de son côté, le président Mugabe a fait savoir à Jacob Zuma qu’il était retenu à son domicile par les militaires, a rapporté par Pretoria, précisant qu’il allait bien. Le sort qui lui sera réservé sera crucial dans le dénouement de la crise.