Plus de 7 millions d’électeurs sont appelés aux urnes ce samedi lors d’un scrutin marqué par le boycott des principaux candidats de l’opposition et au terme d’une campagne très tendue.
Jeudi 29 octobre, en début de soirée, alors que la campagne électorale touche à sa fin, le cortège de Patrick Achi vient de dépasser le village d’Agbaou (150 km au nord d’Abidjan), sur l’axe Akoupé-Adzopé, quand des tirs retentissent. Panique, incompréhension. Est-ce une erreur de sa garde rapprochée ? Une attaque visant directement le secrétaire général de la présidence ? Difficile à dire avec certitude, mais l’événement témoigne d’une situation particulièrement volatile.
Quelques heures plus tôt, Alassane Ouattara avait achevé sa campagne par une démonstration de force à Abobo, paradant dans cette commune d’Abidjan qui lui est favorable devant des dizaines de milliers de partisans chauffés à blanc. Ce fut seulement la deuxième véritable apparition publique du chef de l’État depuis le lancement officiel de sa campagne à Bouaké, le 17 octobre. Le reste du temps, il s’est fait représenter sur le terrain par ses principaux lieutenants et ministres. C’est ainsi Patrick Achi qui a répondu aux questions du patronat et, plus tard, à celles des journalistes de la Radio télévision ivoirienne (RTI).
Ces derniers jours, Alassane Ouattara a affiché le visage d’un homme serein. Pour le chef de l’État, le plus dur est-il passé ? Peut-être. Depuis qu’il a annoncé qu’il se présenterait à un troisième mandat, début août, des violences qui ont dégénéré en affrontements intercommunautaires ont fait une trentaine de morts. Malgré tout, le président a tenu bon, comme le prédisaient ses lieutenants en début de campagne. « Il y aura des incidents ici et là, mais l’élection se tiendra et nous la remporterons », assurait un ministre il y a quelques semaines.
Rupture
En dépit de ces paroles rassurantes, l’issue de cette élection semble encore incertaine. L’enjeu n’est évidemment pas le résultat. Des quatres candidats retenus par le Conseil constitutionnel, seul Kouadio Konan Bertin affrontera le chef de l’État. Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan ont, eux, décidé de boycotter, refusant d’accréditer la « forfaiture » d’Alassane Ouattara.
Depuis qu’ils ont appelé à la désobéissance civile, mi-septembre, Bédié, Affi N’Guessan et les autres figures de l’opposition sont dans une logique de rupture. Convaincus que le président sortant viole la Constitution et que son troisième mandat est illégal, ils refusent de prendre part à une élection dont ils considèrent que les conditions d’organisation sont viciées – ils réclament notamment la recomposition de la Commission électorale indépendante (CEI) et de ses antennes locales.
Dans ce contexte tendu, Laurent Gbagbo, pourtant muet depuis son arrestation, le 11 avril 2011, a décidé de rompre le silence à la dernière minute en accordant une interview à TV5 Monde depuis Bruxelles, le 29 octobre. Un choix fait, selon lui, en raison de « la catastrophe » qui guette le pays après la présidentielle.
Désireux de rappeler qu’il est toujours là et de montrer qu’il entend encore jouer un rôle sur la scène politique, le fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) a appelé au dialogue et à l’apaisement. S’il ne s’est pas risqué à relayer l’appel à la désobéissance civile des autres opposants – son cas est toujours en procédure d’appel devant la Cour pénale internationale, la CPI -, il n’a pas non plus retenu ses coups contre son rival Alassane Ouattara. Selon lui, c’est sa volonté de briguer un troisième mandat qui est la cause de toutes les tensions actuelles.
« Coup KO »
Face au président sortant qui promet de l’emporter en « un coup KO », seul Kouadio Konan Bertin jouera donc le jeu. De quoi lui valoir les critiques acerbes de ceux qui le taxent de « faire valoir démocratique » de Ouattara. « Heureusement qu’il est là », concède un ministre.
En campagne, le dissident du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) s’est rendu dans une dizaine de villes. « Vous êtes suffisamment mûrs et formés pour assumer vos responsabilités dans ce pays. Le samedi 31 octobre 2020, allez massivement aux urnes pour sauver la Côte d’Ivoire », a-t-il lancé jeudi à Koumassi. L’ancien député de Port-Bouët (de 2011 à 2016) s’était déjà présenté en indépendant en 2015. Il avait réuni un peu moins de 4 % des suffrages.
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