Il y a dix ans, le 30 décembre 2006, était pendu le dirigeant irakien Saddam Hussein. Dix ans plus tard, c'est cette date qu'a choisie John Nixon, le premier analyste de la CIA à l’avoir interrogé après sa capture en décembre 2003, pour publier un livre témoignage L’interrogatoire de Saddam Hussein. Un livre-choc dans lequel il affirme que la CIA et l’administration américaine sont restées prisonnières d’une vision fausse du dictateur irakien.
Les Etats-Unis avaient « beaucoup de choses à apprendre »
Il dévoile dans son ouvrage un épisode de la chute du dirigeant restée jusqu’ici inconnu, rapporte Atlantico. Le 13 décembre 2003, après la capture de Saddam Hussein, les Etats-Unis se questionnent. Comment a-t-il ou quitter la capitale ? Avec quel soutien ? Mais alors qu’il est interrogé par John Nixon, le dirigeant irakien fait une proposition inattendue. « Pourquoi ne me questionnez-vous pas sur la politique ? », demande-t-il, affirmant qu’il y a « beaucoup de choses à apprendre ».
Quand il est par la suite interrogé sur la présence d’armes de destruction massive, il répond en ironisant. « Vous avez trouvé un traître qui vous a mené à moi. Il n’y a donc pas un traître pour vous dire où sont ces armes ? » Il affirme que son pays « n’est pas une nation terroriste », qu'il n’avait « aucun contact avec Ben Laden ». Il niera d’ailleurs toute implication dans le 11-Septembre, indiquant que les personnes impliquées étaient originaires d’ Arabie saoudite et le meneur d’Egypte.
Un chef d’Etat « complètement dépassé »
Pour John Nixon, loin d’être un chef tout-puissant, Saddam Hussein était pendant ses dernières années au pouvoir « complètement dépassé » par ce qui se passait dans son pays.
« Il était inattentif à ce que son gouvernement faisait, n’avait pas de plan réel pour la défense de l’Irak, et ne saisissait pas l’importance de la tempête » qui arrivait et allait le renverser, affirme aujourd’hui l’analyste. « Saddam Hussein était occupé à écrire des romans en 2003. Il ne s’occupait plus de faire tourner le gouvernement », affirme l’analyste.
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L’unité de la nation irakienne
Mais l’administration américaine et la CIA croyaient dur comme fer que « décapiter le régime baasiste ferait de l’Irak un pays pacifique », souligne-t-il aujourd’hui.
Et George W. Bush n’acceptera jamais de revenir sur son analyse, explique John Nixon, qui raconte une confrontation éclairante en 2007 avec lui dans le Bureau ovale. John Nixon tente d’expliquer à George W. Bush qu’il a interrogé un Saddam Hussein plutôt désarmant et maniant l’auto-ironie, mais le Président américain donne des signes d’impatience, et ne se calme que lorsque l’analyste évoque une personnalité « arrogante » ou « sadique »
Le président « n’écoutait que ce qu’il voulait entendre », estime John Nixon. Pour lui, en tout cas, l’Amérique, contrairement à ce qu’elle croyait, n’avait pas intérêt à éliminer le dictateur irakien.
« Même si j’ai constaté que Saddam Hussein était un être souverainement déplaisant, j’ai tiré des interrogatoires un respect involontaire pour la manière dont il a réussi à maintenir si longtemps l’unité de la nation irakienne », estime aujourd’hui John Nixon.
« Il est improbable qu’un groupe comme l’EI aurait pu réussir aussi bien sous son régime répressif », ajoute-t-il.
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Dix ans après son exécution, le fantôme du dirigeant irakien continue de hanter l’Amérique, symbole de son ambition fracassée d’apporter la stabilité et la démocratie au Moyen-Orient. La « jeune démocratie irakienne » rêvée par l’administration américaine n’a pas réussi à éliminer les violences inter-confessionnelles.