Dans sa chronique au « Monde », le correspondant Eric Albert estime que, dans l’immédiat, la Banque centrale européenne a fait assez pour retarder une nouvelle crise de la monnaie unique. Mais les tensions demeurent, rappelle-t-il.
Chronique. En infligeant un second choc économique majeur seulement une décennie après la crise de 2008, la pandémie due au coronavirus met une nouvelle fois la zone euro à l’épreuve. Dès que l’ampleur de la récession est devenue claire, les marchés se sont tendus, en particulier en Italie, l’un des premiers pays touchés. Après un faux départ, la Banque centrale européenne (BCE) a fait ce qu’il fallait pour éteindre l’incendie. Au total, elle va injecter un peu plus de 1 000 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année. Cet argent est essentiellement consacré à racheter les obligations des pays de la zone euro. En clair, la BCE éponge les dettes des Etats, leur permettant de financer l’urgence, en particulier le chômage partiel et les prêts aux entreprises. Pour l’instant, ce plan a à peu près fonctionné. Les marchés se sont calmés
Mais le taux obligataire de l’Italie s’est de nouveau tendu lundi 20 avril, à près de 2 %, un niveau qui commence à s’approcher de la zone rouge. La zone euro se trouve une nouvelle fois à la croisée des chemins, ses tensions sous-jacentes sont remises en avant par la pandémie.
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Jeudi 23 avril, un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement doit débattre de la potentielle mise en commun des dettes européennes. Il pourrait s’agir de « coronabonds », des obligations communes, ou d’un fonds commun, comme le suggère la France. Malheureusement, à l’heure actuelle, les pourparlers s’annoncent plutôt mal. Les « pays du Nord », Pays-Bas et Allemagne en tête, refusent de « payer pour les autres ». Politiquement, leur argument est parfaitement compréhensible. Pourquoi donc accepteraient-ils, eux les vertueux, d’émettre des obligations en commun avec les pays moins solides économiquement ? Cela les forcerait à accepter des taux d’intérêt plus élevés, renchérissant le coût de leur dette.
Un équilibre insatisfaisant
Le problème est qu’il n’y a pas trente-six façons de maintenir l’union monétaire. Il n’y en a que trois. La première est la mutualisation des dettes, qui permet aux plus fragiles de s’adosser aux plus riches. La deuxième est d’avoir des économies « convergentes » : chacun fait attention à ses dépenses et évite les déficits, ce qui limite les tensions économiques entre les différents pays. Cette méthode est celle de l’austérité imposée cette dernière décennie. Elle a fait preuve de certains résultats positifs. L’Italie dégage par exemple un excédent primaire aujourd’hui (son budget est en surplus avant de compter les intérêts de la dette). Mais le coût social a été gigantesque. Politiquement, personne n’est prêt à recommencer une décennie d’austérité.
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